Vibrato

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Le vibrato définit des variations cycliques de hauteur (fréquence) sur la durée d'un son soutenu, qui sont étroitement liées à des oscillations d'intensité (amplitude) et de timbre (enveloppe spectrale). Il peut être visualisé par des oscillations parallèles des partiels ou des harmoniques sur un spectrogramme. Le vibrato est décrit en termes de période (durée d'un cycle d'oscillation complet - en secondes), de taux (nombre de cycles par seconde - en hertz), d'étendue (jusqu'où chaque cycle fluctue au-dessus et au-dessous de la fréquence moyenne - en pourcentage ou en cents), de gigue du vibrato (perturbations aléatoires de la fréquence), de chatoiement du vibrato (perturbations aléatoires de l'amplitude) et de modulation onset/offset (qualité du premier et du dernier cycle de vibrato). La recherche suggère que les changements dans l'étendue et la vitesse du vibrato ont un effet sur la perception d'un son par l'auditeur, influençant la perception de la hauteur et l'évaluation de l'intonation de la performance. Elle souligne également l'importance des paramètres temporels du vibrato pour l'étude de divers genres musicaux.

Le son est une vibration ! La vibration répétée et continue de l'air crée des sons soutenus. Au sein des sons soutenus, les modulations vibratoires sont une composante naturelle de la musique vocale et instrumentale. Les modèles de modulations vibratoires sont perçus par l'oreille humaine et nous les appelons vibrato.

Les musicien.ne.s et les non-musicien.ne.s sont capables d'identifier quand un son a du vibrato et quand il n'en a pas. De plus, des études ont montré que l'ajout ou la soustraction de vibrato modifie la perception du timbre du son[1], [2]

Bien que les gens soient capables de percevoir le vibrato, beaucoup - même les expert.e.s en musique - ont encore du mal à le définir. Qu'est-ce que le vibrato ? Comment savoir de quel type de vibrato il s'agit lorsque nous l'entendons ? Le vibrato a toujours été un sujet complexe et très controversé, et il reste encore beaucoup à étudier.

Cependant, il est communément admis que le vibrato est une caractéristique distinctive du son musical, inextricablement liée à l'expression et au timbre[3]. Le vibrato a été utilisé pour décrire de nombreux types de fluctuations sur la durée d'un son soutenu, contribuant à la perception de la hauteur, de l'intensité et du timbre[4]. Cela signifie que le vibrato comprend des variations de hauteur (mesurées en fréquence), d'intensité (mesurées en amplitude) et de timbre (mesurées en enveloppe spectrale, ce qui est le plus pertinent dans le cadre de ce sujet). Ces aspects du vibrato coexistent souvent lorsqu'ils sont produits par la plupart des instruments ; il existe une corrélation entre la modulation d'amplitude et la modulation de fréquence[5]. On pense que ce lien entre fréquence et amplitude dans le vibrato contribue à l'influence du vibrato sur la perception du timbre[6]. Alors que le vibrato est généralement compris en termes d'oscillations de hauteur, ces fluctuations de hauteur dépendent des fluctuations spectrales et des changements d'intensité (ou intensité sonore/volume) parce que ces variations sont fortement corrélées avec les variations de la fréquence fondamentale (ou de la hauteur perçue)[7]. Pour jouer avec ces changements simultanés d'action dans la voix, visitez le Pink Trombone de Neil Thapen, un modèle numérique de synthétiseur de conduit vocal humain, contrôlable avec vos doigts[8]. Pour mieux comprendre cette cohérence hauteur-intensité-timbre, nous pouvons nous tourner vers les technologies et outils modernes d'analyse du son qui nous permettent d'évaluer le vibrato.

Tout comme nous utilisons un spectre pour visualiser et analyser les sons, un spectrogramme en temps réel peut nous aider à visualiser et analyser le vibrato. Lorsque le vibrato est présent dans des sons soutenus, nous observons une oscillation parallèle de tous les sons partiels/harmoniques simultanément. Dans la figure 1 ci-dessous, les ondulations du vibrato semblent plus importantes pour les harmoniques supérieurs. Cela s'explique par le fait que les partiels doivent rester dans la même relation de proportion, quelle que soit la valeur instantanée de la fréquence fondamentale (fo). Par exemple, un composant dont la valeur de la fréquence moyenne est quatre fois supérieure à celle de fo aura une amplitude de vibrato quatre fois supérieure à celle de fo. La fréquence fondamentale, fo, est l'harmonique le plus bas, H1, celui qui nous donne la perception de hauteur. Dans le cas d'un spectre harmonique (voir inharmonicité), chaque harmonique au-dessus est un multiple entier positif de la fréquence fondamentale, et il existe techniquement un harmonique à chaque intervalle de la fréquence fondamentale/premier harmonique jusqu'à l'infini !

Figure 1 : Cette vue spectrographique sert de représentation visuelle de ce que nous entendons comme vibrato (portions ondulées) et non-vibrato (portions linéaires). Tiré à part de Michel, C. R., & Ruiz, M. J. (2017). The Physics of Singing Vibrato. Physics Education, 52(4), 045010. https://doi.org/10.1088/1361-6552/aa6d99

Puisqu'on peut analyser le vibrato, on peut aussi le mesurer ! Comme le montre la figure 2 ci-dessous, le vibrato est généralement sinusoïdal et se répète (il est cyclique ou périodique). La période est le temps mesurée entre un pic de la fluctuation du vibrato et le suivant. Le taux de vibrato (ou fréquence) correspond au nombre d'oscillations de fréquence par seconde et le taux est calculé comme suit : 1/période (et exprimé en hertz, Hz ; pour référence, 1 Hz = 1 cycle par seconde). L'étendue du vibrato décrit la distance au-dessus et au-dessous de la fréquence moyenne à laquelle chaque cycle fluctue. L'étendue est généralement exprimée comme pleine ou moitié, la première étant une mesure de la crête au creux et la seconde une mesure de la crête à une fréquence moyenne calculée. L'étendue est exprimée en pourcentage de la fréquence ou en cents, 6 % ou 100 cents représentant un demi-ton (en tempérament égal). Outre le taux et l'étendue, d'autres caractéristiques acoustiques mesurables du vibrato incluent le vibrato jitter et le vibrato shimmer, qui mesurent respectivement les perturbations aléatoires à court terme de la fréquence et de l'amplitude, et la modulation onset/offset, qui décrit la qualité des premiers et derniers cycles du vibrato. Généralement, les propriétés du vibrato décrites ci-dessus sont évaluées à l'aide de moyennes sur plusieurs cycles.

 

Figure 2 : Graphique personnalisé affichant les composantes d'une fréquence fondamentale (f0) synthétisée optimalement en fonction du temps. Cette onde sinusoïdale est perçue comme un vibrato. Reproduit de Nestorova, T.I. (2021). Does Vibrato Define Genre or Vice Versa?: A Novel Parametric Approach to Complex Vibrato Patterns (thèse). New England Conservatory of Music, Boston, MA.

 

Qu'un son soit perçu comme ayant un vibrato ou non (souvent appelé « ton direct »), une certaine oscillation est toujours présente ! Des recherches antérieures indiquent que les changements dans l'étendue et le taux de modulation de fréquence sont deux facteurs qui peuvent modifier la perception du son par l'auditeur[9]. Des études portant sur le vibrato vocal suggèrent que les seuils de perception des changements de vibrato et des similitudes de hauteur varient en fonction du taux, de l'étendue et de l'environnement acoustique de la salle[10], [11], [12], [13]. Les conclusions générales sont que le taux et l'étendue agissent en tandem pour affecter la perception de la présence de non-vibrato. On a découvert que la perception d'un ton chanté sans vibrato est davantage liée au taux de vibrato qu'à l'étendue, bien que les deux coexistent et influencent la classification des tons sans vibrato par rapport aux tons avec vibrato[14]. D'autres études ont démontré qu'à l'intérieur de certaines limites d'étendue, le vibrato joue un rôle important dans l'attribution de la hauteur d'un ton. Plus précisément, plus l'étendue du vibrato est large sur un certain ton, plus la déviation de la hauteur moyenne perçue est importante [15], [16]. Inversement, d'autres études menées sur le vibrato au violoncelle et au violon ont montré que les personnes évaluaient les interprétations avec vibrato comme étant plus « justes », de sorte que le vibrato perçu peut masquer des inexactitudes d'intonation[17].

Les différents aspects du vibrato sont certainement complexes, peut-être surtout parce qu'il est difficile de les analyser - ils coexistent ! Cette co-occurrence des caractéristiques du vibrato influence la qualité du son et son timbre. Certaines des premières recherches scientifiques menées sur le vibrato mentionnaient son effet sur le timbre en évoquant un phénomène perceptif appelé sonance[18] [19]. Les recherches modernes suggèrent que les caractéristiques temporelles du vibrato, ses modulations de fréquence et d'amplitude (mesurées avec les paramètres mentionnés ci-dessus) coïncident avec la forme de l'enveloppe spectro-temporelle (une mesure pour le timbre)[20].

L'élément du temps est crucial ; il relie le vibrato au timbre ! Il s'agit là d'un autre facteur de motivation pour étudier les caractéristiques du vibrato qui varient dans le temps. Historiquement, les mesures normatives du vibrato ont été basées sur des études analysant l'esthétique de l'opéra classique occidental, applicables uniquement si le vibrato est uniforme, cohérent et persistant dans le temps[21]. Le réexamen de ces mesures normatives du vibrato soutient la prise en compte essentielle de la variation temporelle du vibrato pour le vibrato organique, non uniforme, présent dans de nombreux sous-genres et styles. Les recherches actuelles suggèrent que notre système actuel de calcul de la vitesse et de l'étendue moyenne du vibrato peut ne pas être suffisant ou ne pas caractériser complètement le vibrato naturel, spécifique à un genre, tel qu'il se développe au fil du temps. Il a été proposé que l'analyse des aspects temporels variables du vibrato (y compris la modélisation de ses formes complexes) puisse mieux s'adapter et représenter les genres de chant présentant des caractéristiques de vibrato stylistiquement distinctes. C'est le sujet de recherche actuel et futur de l'auteure. [22], [23], [24]

Le vibrato est un élément essentiel du timbre, et le vibrato du timbre lui-même affecte la perception du son ! Bien que les préférences artistiques concernant le vibrato soient subjectives, nombreux sont celles et ceux qui pensent qu'il apporte une couleur expressive à la musique. Il existe un nombre infini de couleurs dans le monde, et elles ne sont ni créées ni perçues de la même manière. Peut-être que le vibrato, lui aussi, n'est ni créé ni perçu de la même manière.

LISTE DE RÉFÉRENCE

[1] Almeida, A., Schubert, E., & Wolfe, J. (2021). Timbre Vibrato Perception and Description. Music Perception, 38(3), 282–292. https://doi.org/10.1525/mp.2021.38.3.282           

[2] Loni, D. Y., & Subbaraman, S. (2018). Timbre-Vibrato Model for Singer Identification. Information and Communication Technology for Intelligent Systems, 279–292. https://doi.org/10.1007/978-981-13-1747-7_27

[3] Sundberg, J. (1987). The Science of the Singing Voice. Northern Illinois University Press, Dekalb, IL, 170.

[4] Miller, R. (1986). The Structure of Singing. Schirmer Books.

[5] McAdams, S., & Rodet, X. (1988). The Role of FM-induced AM in Dynamic Spectral Profile Analysis. In H. Duifhuis, J. W. Horst, & H. Wit (Eds.), Basic Issues in Hearing (pp. 359–369). London: Academic Press.

[6] Henry, M. (2021). A Perceptual Study of Amplitude Modulation Vibrato (thesis). McGill University, Montréal, QC, Canada.

[7] Gough, C. E. (2005). Measurement, Modelling and Synthesis of Violin Vibrato Sounds. Acta Acustica United with Acustica, 91, 229–240.

[8] Thapen, N. (n.d.). Pink Trombone. Retrieved June 26, 2022, from https://dood.al/pinktrombone/.

[9] Howard, D. M., & Hunter, E. J. (2016). Perceptual Features in Singing. The Oxford Handbook of Singing, 224–240. https://doi.org/10.1093/oxfordhb/9780199660773.013.34

[10] Geringer, J. M., MacLeod, R. B., & Allen, M. L. (2009). Perceived Pitch of Violin and Cello Vibrato Tones Among Music Majors. Journal of Research in Music Education, 57(4), 351–363. https://doi.org/10.1177/0022429409350510

[11] Duvvuru, S. (2012). The Effect of Timbre and Vibrato on Vocal Pitch Matching Accuracy (dissertation). University of Tennessee Health Science Center, Knoxville, TN.

[12] Friberg, A., & Sundberg, J. (1994). Just Noticeable Difference in Duration, Pitch and Sound Level in a Musical Context. Proceedings of 3rd International Conference for Music Perception and Cognition, Liège 1994, 339–340. Retrieved from http://urn.kb.se/resolve?urn=urn:nbn:se:kth:diva-234432

[13] Bottalico, P., Łastowiecka, N., Glasner, J.D., & Redman, Y. (2022). Singing in Different Performance Spaces: The Effect of Room Acoustics on Vibrato and Pitch Inaccuracy. The Journal of the Acoustical Society of America, 151, 4131-4139. https://doi.org/10.1121/10.0011675

[14] Wooding, R., & Nix, J. (2016). Perception of Non-Vibrato Sung Tones: A Pilot Study. Journal of Voice, 30(6). https://doi.org/10.1016/j.jvoice.2015.10.005

[15] Daffern, H., Brereton, J. S., & Howard, D. M. (2012). The Impact of Vibrato Usage on the Perception of Pitch in Early Music Compared to Opera. 3949-3954. Paper presented at Proceedings of the Acoustics 2012, Nantes, France. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00811314/document

[16] Reddy, A. A., & Subramanian, U. (2015). Singers' and Nonsingers' Perception of Vocal Vibrato. Journal of Voice, 29(5), 603–610. https://doi.org/10.1016/j.jvoice.2014.09.022

[17] Geringer, J. M., MacLeod, R. B., Madsen, C. K., & Napoles, J. (2014). Perception of Melodic Intonation in Performances with and without Vibrato. Psychology of Music, 43(5), 675–685. https://doi.org/10.1177/0305735614534004

[18] Seashore, C. E. (1936). VI. The Vibrato: (1) What is It? In The Psychology of Music (Vol. 23, pp. 20–22). essay, Music Educators Journal.

[19] Seashore, C. E. (1936). IV. The Quality of Tone: (2) Sonance. In The Psychology of Music (Vol. 23, pp. 20–22). essay, Music Educators Journal.

[20] Elliott, T.M., Hamilton, L.S., & Theunissen, F.E. (2013). Acoustic Structure of the Five Perceptual Dimensions of Timbre in Orchestral Instrument Tones. The Journal of the Acoustical Society of America, 133, 389-404. https://doi.org/10.1121/1.4770244

[21] Herbst, C.T., Hertegard, S., Zangger-Borch, D., & Lindestad, P. (2017). Freddie Mercury— acoustic analysis of speaking fundamental frequency, vibrato, and subharmonics.Logopedics Phoniatrics Vocology, 42(1). https://doi.org/10.3109/14015439.2016.1156737

[22] Nestorova, T.I. (2021). Does Vibrato Define Genre or Vice Versa?: A Novel Parametric Approach to Complex Vibrato Patterns (thesis). New England Conservatory of Music, Boston, MA.

[23] Nestorova, T.I., Howell, I., & Gilbert, J. (2021, June). Analysis and Interpretation of Complex Vibrato Patterns: Deriving Novel Parameters of Variable and Irregular Vocal Vibrato. Poster session presented at The Voice Foundation 50th Anniversary Symposium, Online.

[24] Nestorova, T., and Glasner, J. D. (2021). “ What about extent?: Examining current vibrato extent metrics,” PAVA InFormant 2(3), 3–11. Retrieved from: https://pavavocology.org/InFormantNewsletter

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