Gevaert | Nouveau Traité d’Instrumentation

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F.-A. GEVAERT



NOUVEAU TRAITÉ


D'INSTRUMENTATION



HENRY LEMOINE & CIE

PARIS -BRUXELLES 


Le présent volume, développement de la première partie d'un travail publié il y a vingt-deux ans (Traité général d'Instrumentation, Gand, 1863), contient les prolégomènes d’une technique devenue pro­ digieusement vaste à notre époque. Je m’efforce d’y. donner des notions aussi approfondies que possible sur le mécanisme, l’étendue, les moyens d’exécution et les propriétés expressives de chacun des instru­ ments utilisés par les maîtres anciens et modernes.
Quant à la seconde partie du traité primitif, consacrée à l’emploi simultané des instruments dans les diverses branches de la composi­ tion musicale, je m’occupe actuellement de la refondre sur un plan analogue. Elle constituera un ouvrage séparé qui paraîtra d’ici à un an, je l’espére, sous le titre de Cours méthodique d’Orchestration

F.-A. GEVAERT


Bruxelles, 1er Octobre 1885.


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VIOLONCELLE


(En italien et en allemand Violoncello, par abréviation Cello, plurielCelli.)

§54. __ Remplaçant de l'ancienne Basse de viole, le violoncelle joue tantôt la partie de basse, tan- tôt la partie de ténor dans le quatuor des instruments à acchet. Non-seulement il occupe en en- tier les régions grave et moyenne de l'étendue générale (§24), il s'étend jusque dans la région aiguë, même sans avoir besoin de recourir aux sons harmoniques.

Ses quatre cordes à vide donnent l'octave grave des cordes de l'alto.

La 4e corde résonnant à vide a une vibration pleine et harmonieuse, surtout quand elle s'associe à la 3e. Elle s'emploie très heureusement de cette manière pour des basses en bourdon d'orgue ou de musette (1)

(1) Schumann, à la fin de l'andante de son quatuor Op 47. pour piano, violon, alto et violoncelle, fait baisser d'un ton entier la 4e corde du violoncelle, afin d'obtenir un effet de pédale au moyeu de 1'octave. [see image]

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VIOLONCELLE

§55. __ Le doigté du violoncelle est moins simple, moins régulier que celui du violon et de l'alto. En voici la cause. Les cordes ayant une longueur presque double de celles du violon, la gran- deur des intervalles - sur le manche de l'instrument s'accroît dans la même proportion, et la distance entre les degrés conjoints de l'échelle diatonique ne correspond plus à l'écartement naturel des doigts, lequel ne dépasse pas en moyenne l intervalle de demi-ton. De l'index (1er doigt) au médius (2e doigt) le violoncelliste, à la vérité, fait tantôt un ton entier, tantôt un eB demi-ton; mais du 2e au 3e doigt et du 3e au 4e il ne fait qu'un demi-ton. Abstraction faite du pouce, la main gauche du violoncelliste, étant posée dans la partie inférieure du manche, n'embrasse donc au maximum qu'un intervalle de tierce majeure.

I. Il résulte de tout ceci, que la main ne peut garder la position ordinaire ( ou première position) que dans les gammes diatoniques dont chaque intervalle de quarte contient une corde avide. Cette condition ne se réalise dans toute sa rigueur que pour les tons majeurs d'ut, de sol, de fa, de si b et pour le ton de sol mineur, lorsqu'ils ne s'étendent pas à l'aigu de ;


mais elle s'applique aussi aux tons de ré majeur et de ré mineur, sauf le cas unique où l'ut #, est employé.

Les gammes plus chargées de dièses ou dé bémols et toutes celles, sans exception, qui s'élèvent à l'aigu de ne peuvent s'exécuter sans que la main gauche ne se déplace pour s'avancer dans la direction du chevalet. Ces déplacements sont-déterminés et réglés par les traditions e techniques. Les méthodes de violoncelle, comme celles da violon, distinguent une 2e, une 3e, une 4e position, mais avec cette différence importante que chacune d'elles, ne produisant sur chaque corde que trois degrés diatoniques, ne peut engendrera elle seule une échelle complète.

Pour atteindre tous les degrés de la gamme, le violoncelliste est donc tenu de combiner les di- verses positions entre elles, ainsi que le fait voir la gamme suivante (doigté de la Méthode de Duport):

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VIOLONCELLE

II. La gamme chromatique s'exécute par un procédé différent de celui qui est usité pour le violon et l'alto (§34, III); jamais le même doigt ne sert a produire deux sons successifs. Comme il y a invariablement six degrés chromatiques entre une corde à vide et la suivante, on a établi un doigté qui se répète sur chacune des cordes et s'adapte à tous les tons, quelle que soit l'orthographe adoptée par le compositeur.

Une dernière particularité du doigté du violoncelle consiste dans l'usage du pouce: on l'indique quand il y a lieu, par le signe 0. L'adjonction de ce doigt permet à la main gauche d'atteindre des intervalles inabordables par le doigté ordinaire, et lui donne un point d'appui pour démancher. Mais chez les violoncellistes non virtuoses, le pouce n'est guère utilisé que pour les passages écrits à l'extrême aigu, passages que l'on note habituellement en clef d'ut 4e ligne.

III. Cette gamme atteint la limite aiguë assignée aux violoncelles dans la musique d'orchestre. Des sons aussi élevés apparaissent déjà chez Haydn.

Beethoven (dans un solo, il est vrai) ne craint pas de monter en sons naturels jusqu'au sol.

Pour la facilité de la lecture il vaut mieux substituer la clef de sol à la clef d'ut 4e dès que les lignes additionnelles se multiplient. On notera donc ainsi le passage ci-dessus:

A propos de l'usage de la clef de sol dans la musique de violoncelle, faisons remarquer ici que les maîtres classiques, lorsqu'ils se servent de cette clef (et cela est fréquent dans leur musique de chambre), écrivent toutes les notes une octave au-dessus de leur diapason réel.

Aujourd'hui l'on écrirait avec plus de logique ainsi:


Afin d'éviter toute équivoque on fera bien de n'employer la clef de sol qu'après la clef d'ut, et de noter les sons à leur hauteur effective.

§56. __ L'attaque simultanée de plusieurs cordes est, à l'orchestre, moins fréquente dans les parties de violoncelle que dans les instruments aigus du quatuor. Elle est soumise à quelques restrictions spéciales résultant du doigte de 1 instrument. Il nous suffira dénumérer les combinaisons accessibles à la moyenne des violoncellistes.

Les tierces majeures et mineures, les quartes justes et majeures, la quinte mineure, sans présenter de grandes difficultés, exigent une exécution trop soigneuse pour être employées avec succès dans l'ensemble orchestral. Quant aux secondes et aux octaves, elles impliquent l'emploi du pouce et sont à éviter également, sauf le cas où l'octave en double corde se présente sous forme d'une tenue isolée, préparée par un silence ou par une tenue précédente. Exemple: Beethoven, Andante de la IXe Symphonie, 3/4 en ré (Andante moderato). Dans la musique de chambre, où l'exécution est confiée a de véritables virtuoses, il n'y a nul inconvénient à employer les di- verses espèces de doubles cordes.

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VIOLONCELLE

§57. __ En ce qui concerne les coups d'archet, le trémolo et les trilles, nous n'avons rien à ajouter à ce qui a été dit plus haut (§36, §38 et §39). Le pizzicato est très fréquent dans la partie de violoncelle; les compositeurs modernes s'en servent volontiers pour des accompagnements d'un dessin léger et gracieux. En raison de la longueur des cordes, il n'y a pas d inconvénient à monter jusqu'aux notes les plus aiguës.

On peut confier aux violoncelles tous les traits d'agilité qui cadrent avec la nature mâle de l'instrument. A l'orchestre les figures en sons liés prédominent.

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VIOLONCELLE

Lorsque après avoir démanché l'on descend vers le médium, il faut éviter les sauts fréquents; ceux de quarte particulièrement sont très ingrats pour le violoncelle, en ce qu'ils dépassent la portée de la main gauche. Les dessins ^formant progression qui se, décomposent en tierces sont les moins difficiles, tant pour monter que pour descendre.

Les passages en arpèges ou en batteries sont plus usités pour le violoncelle que pour les autres parties du quatuor.

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VIOLONCELLE

§58. __ De tous les instruments aptes à interpréter une idée mélodique, aucun ne possède au même degré que le violoncelle l'accent de la voix humaine: aucun n'atteint aussi sûrement les fibres intimes du cœur. Pour la variété des timbres il ne le cède guère au violon. Il re'u- nit les caractères des trois voix d'hommes: la juvénilité ardente du ténor., la virilité du baryton, la rudesse austère de la basse-taille. 

I. Sa chanterelle vibrante est appelée à traduire les effusions d'un sentiment exalté: regrets, douleurs, extase amoureuse. 

Exemples: Meyerbeer, les Huguenots, IVe acte:"Tu las dit, oui tu m'aimes;» 

Robert le Diable, IVe acte: Air de ballet (séduction par l'amour) 

le Prophète, IVe acte, Scène de l'Exorcisme.

La 2e et la 3e corde ont une sonorité onctueuse et insinuante qui exprime des sentiments plus contenus. Rarement on leur confie une mélodie saillante dans la musique d'orchestre. 

La 4 corde du violoncelle ne convient qu'à des chants dun caractère sombre et mystérieux.

II. On adapte des sourdines aux violoncelles comme aux instruments aigus du quatuor, mais l'usage de ce moyen d'effet est assez rare. Nous en signalerons toutefois un exemple extraordinaire dans l'Andante de la Svmphonie pastorale de Beethoven, morceau que l'auteur intitule: « Au bord du ruisseau » ( Am Bâche ). Deux violoncelles seuls munis de sourdines font entendre le dessin ondulé en tierces, qu'exécute, à l'octave supérieure, la masse entière des seconds violons et des altos jouant sans sourdines. L'effet est des plus saisissants: « une vraie trou- vaille des Muses » . On cro'rait voir les ondulations légères de la surface se répéter, affaiblies, au fond des eaux. 

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VIOLONCELLE

§59. __ Pour l a production des sons harmoniques, les cordes et les 'tuyaux, on le sait, se com- portent de la même manière (§11) . Les cordes du violoncelle, longues et peu épaisses, se divU sent facilement en un grand nombre de parties aliquotes et engendrent en conséquence beau- coup de sons harmoniques (§15). Sur chacune des cordes à vide le violoncelliste atteint sans difficulté le son 16, limite extrême de l'étendue du cor. Mais en écrivant pour l'orchestre le compositeur n'a aucune raison de dépasser la série des harmoniques accessibles aux violons et aux altos. Il lui suffira amplement d'avoir à sa disposition les sons suivants: 

a) sur les cordes à vide:

b) sur une corde doigté (les astérisques marquent les sons qui s'obtiennent aussi sur une corde à vide):

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VIOLONCELLE

La réunion des sons ordinaires et -des sons harmoniques donne l'échelle complète du violoncelle laquelle reproduit à l'octave grave celle de l'alto et se divise dune manière identique (§52).

Cette étendue est utilisée presque en entier dans la terminaison du quintette de violoncelles, par lequel débute l'ouverture de Guillaume Tell.

§60. __ Sous la main des habiles virtuoses de notre époque le violoncelle a conquis une place des plus brillantes parmi les instruments de concert. Dans l'ensemble de l'orchestre sa fonction ordinaire est de faire entendre, concuremment avec les contrebasses, la partie inférieure de l'harmonie . Jusqu'à la fin du dernier siècle les compositeurs symphoniques et dramatiques ne lui assignent guère d'autre rôle; aussi dans leurs partitions les violoncelles et tas contrebasses se trouvent-elles écrites généralement sur une seule portée. Mozart ne leur donne presque jamais une partie distincte; Haydn le fait un peu plus souvent. Il était réservé au génie de Beethoven de dénouer le lien qui tenait le violoncelle enchaîné à son lourd compagnon, et d'enrichir le choeur des instruments à archet d'une cinquième voix, plus mélodieuse, plus pathétique qu'aucune autre. Cette révolution féconde qui marque l'avènement de. l'instrumentation moderne se fait sentir déjà dans l'Eroica, mais elle n'est pleinement accomplie qu'à partir de la Symphonie en ut mineur. Il est à remarquer que le maître immortel de la musique instrumentale, dans les moments où il fait chanter aux violoncelles le thème principal, leur associe les altos, parfois renforcés ou remplacés par les bassons. Le timbre, du violoncelle devient par là plus moelleux, sans cesser de prédominer.

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VIOLONCELLE

Par son caractère mélodique le violoncelle se prête mieux que tout autre instrument à être traite en partie obligée, dialoguant avec la voix. Haendel et J.S.Bach font déjà grand usage de cet effet d'instrumentation dans leurs oratorios et cantates.

Assez souvent les compositeurs modernes divisent en deux ou eu plusieurs parties le groupe des violoncelles, lequel dans un orchestre bien équilibré doit être à peu' près égal à. tous les violons. Rossini commence l'ouverture de Guillaume Tell par un quintette de violoncelles; Wagner reproduit une combinaison analogue dans un des jdlus Beaux moments de sa tétralogie, l'Anneau du Niebelung.

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VIOLONCELLE

Le violoncelle participe, ans principales combinaisons instrumentales de la musique chambre: le trio pour piano, violon et violoncelle, le quatuor pour instruments à archet. C'est dans cette sorte de compositions seulement que Mozart et Haydn ont mis à profit toutes, les ressources techniques du violoncelle, toutes ses richesses de timbre et d'expression.

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