Report — JEANNE CÔTÉ
Composer/Performer Orchestration Research Ensemble Report
JEANNE CÔTÉ
13 avril 2020
J’ai tant aimé cette expérience passée avec les membres du ACTOR PROJECT! Nous étions rendus à une étape exigeante pour l’ensemble de musiciens. Apprendre un grand volume de nouvelles pièces dans une période de temps si courte était tout un défi. Je répète : plusieurs fois, nous aurions dû avoir les partitions plus tôt. Ceci nous aurait permis de nous concentrer davantage sur les possibilités sonores. Cette course contre la montre qui se présentait chaque semaine a fait en sorte d’améliorer ma capacité à apprendre rapidement des pièces avec toutes sortes de notations différentes. Pendant la période d’exploration et les répétitions, j’ai dû intégrer plusieurs techniques qui m’étaient encore inconnues. C’est une chance d’avoir appris de nouvelles techniques telles que les multiphoniques, les sons renversés, les sons saturés, et d’avoir pu les améliorer dans un contexte d’expérimentation. Les semaines de travail perdues (qui suivirent l’arrêt des cours) m’auraient permis d’assimiler les nouvelles notes, les nouveaux mouvements et de passer plus de temps à explorer la sonorité de certaines techniques. J’estimais que lorsque les musiciens allaient maîtriser leur partition après une recherche de timbres, les résultats sonores des expérimentations de toute cette aventure allaient prendre forme.
Le ACTOR PROJECT a suscité chez moi une curiosité pour les sons. J’ai pris plaisir à rechercher régulièrement des informations ; dans des livres, en écoutant des interviews et en assistant à des concerts d’improvisation libre. J’ai découvert diverses techniques élargies ainsi que quelques objets que je peux utiliser sur mon violon (le couteau à beurre en plastique et les baguettes coréennes en acier inoxydable produisent des sons très intéressants).
La session d’automne a accru mon intérêt pour les différents timbres que peut produire mon instrument. J’ai intégré les concepts de Kenny Werner1 : « There Are No Wrong Notes » et « There Are No Wrong Sounds ». Cette recherche sonore s’est reflétée dans mon répertoire classique. J’ai maintenant une plus large palette de couleurs.
En obtenant ces résultats intéressants, j’ai abandonné du concept de « beau son » avec lequel j’ai grandi et qui contraignait mon jeu. J’ai pris beaucoup plus plaisir à jouer et j’ai transposé des éléments de cette expérience dans mon enseignement auprès de mes jeunes élèves. Ma démarche comme professeure a commencé par le rejet qu’il y a « un seul et unique beau son ». J’ai épousé l’idée qu’il existe différentes variétés de sonorité. Je termine la fin de chaque cours avec un exercice qui demande aux jeunes élèves de créer une simple et courte mélodie, puis de la jouer de trois manières différentes. J’en profite pour leur faire essayer de nouvelles techniques qui sortent de la méthode traditionnelle d’enseignement. En portant attention à leur timbre, ils développent un fort plaisir à découvrir les possibilités de leur instrument. J’ai observé que leur affinité d’écoute a grandement progressé.
Comme mentionnée précédemment, à travers les étapes de recherche, mon écoute s’est aussi développée. Mon oreille est beaucoup plus attentive aux timbres sonores à la suite d’une analyse plus détaillée des différents paramètres constituant les sons. J’ai particulièrement appris en explorant la notation et le vocabulaire de Aural Sonology ainsi qu’en essayant d’imiter les sons préenregistrés durant le temps d’exploration accordé à Quentin Lauvray.
Cette nouvelle manière d’écouter m’a aidée à comprendre et à explorer des sons qui correspondaient mieux aux idées des compositeurs. Par contre, après l’écoute des cours enregistrés, disponibles en ligne, j’ai réalisé qu’à quelques reprises certaines subtilités de timbres sonores manquaient de projection. En général, au sein de l’ensemble, j’avais l’impression de jouer trop fort, surtout dans les nuances douces. Pour y remédier j’essayais de jouer très doux. Par la suite, j’ai pu entendre que j’exagérais. C’était le cas entre autres, dans la pièce d’Alexander Blank. Quand tous les instruments jouaient en même temps, certaines techniques qui étaient jouées avec un faible volume étaient inaudibles. J’aurais été curieuse d’entendre l’enregistrement d’une répétition qui se serait déroulée dans un espace plus grand, enregistré d’un peu plus loin, permettant ainsi d’avoir une bonne idée de ce que les auditeurs peuvent percevoir comme textures sonores et comme balance entre les instruments.
J’ai appris énormément du travail collaboratif entre compositeurs et musiciens. J’ai pu comprendre davantage le travail du compositeur ; l’importance des échanges et d’une notation claire. J’ai adoré collaborer avec ces différents artistes aux idées variées, tant pour leur musique que pour leur façon d’interagir avec l’ensemble. Durant les répétitions de la session d’hiver, j’aurais aimé participer et assister à plus d’échanges entre musiciens et compositeurs. D’avoir à apprendre les notes si rapidement n’aidait pas. Malgré tout, un
plus grand effort communicatif de la part des musiciens aurait pu être possible. Tout au long de l’année, les classes se sont déroulées dans un respect mutuel. Par contre, j’ai été un peu déçue par l’énergie du groupe. Je me suis souvent demandé pourquoi l’enthousiasme pendant les cours n’était pas plus grand. Les membres n’étaient pas très démonstratifs. Pourtant, ACTOR PROJECT est une recherche des plus intéressantes. Est-ce en raison du contexte scolaire ou des interactions « publiques » entre les compositeurs et les musiciens ? J’ai du mal à trouver la cause de ce manque de dynamisme. C’est peut-être un avis non partagé.
Tel que je l’ai abordé à la session d’automne, la communication fut un peu difficile. Par contre, une amélioration est survenue depuis le mois de janvier. J’ai remarqué un certain souci de précision quant au vocabulaire utilisé, particulièrement de la part des compositeurs. Cela m’a permis de mieux comprendre le travail d’orchestration que nous faisions. J’ai été impressionnée de voir toutes les possibilités techniques de chaque instrument. Ce fut très intéressant d’entendre les instrumentistes parler de la production de certains sons et du temps de préparation que demandent certaines techniques. Je m’attendais à ce que la balance entre instruments soit un défi en raison des différentes limites de chacun, mais cela ne semble pas avoir été une grande préoccupation.
En fait, un bon lien s’est développé entre les musiciens. Nous avons été encouragés dès le début à nous écouter davantage et à ajuster notre jeu selon en conséquence. J’ai remarqué de très beaux résultats obtenus par imitation, symbiose et antagonisme dans le jeu des musiciens lorsque la partition nous indiquait de diriger notre écoute vers un ou d’autres instruments. Nous étions portés à écouter le son général d’un instrument ou un paramètre de celui-ci. Cette indication permettait de comprendre plus rapidement l’intention du compositeur et ainsi que de permettre des jeux de timbres. Nous étions dépendants les uns des autres. Le ACTOR PROJECT peut bénéficier de ces expériences. D’ailleurs j’aurais aimé explorer davantage ce concept.
Toute cette recherche en début d’année a apporté des connaissances précises sur les possibilités techniques de chaque instrument ainsi que sur différentes masses sonores. Ces apprentissages ont conséquemment teinté les compositions finales. Dans la plupart des œuvres, les indications (les articulations, le timbre, les notes, les rythmes, les nuances, les techniques) sont très précises afin d’arriver à des sons bien précis. Cela dit, cette notation si précise ne laisse pas beaucoup de place à une certaine liberté d’interprétation du musicien. Le désir de contrôle du compositeur et la liberté accordée au musicien sont deux concepts bien illustrés dans l’écriture d’Alexander Blank et Pedram Diba. Certains vont préférer une démarche plus restrictive, nécessitant un respect poussé du texte. D’autres permettent aux musiciens de contrôler certains paramètres. Bien que je sois fidèle aux idées des compositeurs lors d’une collaboration, le plaisir de jouer la création est plus grand lorsque j’ai un certain espace pour interpréter. Je préfère que le travail collaboratif pour une création se réalise pendant et après l’écriture de la pièce ; que l’aboutissement passe par un travail de recherche et d’interprétation.
Malheureusement, le projet a avorté prématurément. La recherche et les compositions n’ont pas rencontré leur finalité. Néanmoins, l’année de cours organisée en plusieurs phases nous a bien préparés. Les conférences de la session d’automne nous ont donné des idées pour l’ensemble du projet. Il aurait été utile d’avoir une présentation faite par un musicien.
Je tiens à vous remercier pour l’organisation de ce projet. Les étapes menant au concert final m’ont semblé appropriées et ont permis de faire avancer le travail de chacun. J’ai acquis des connaissances sur de nouvelles techniques possibles sur mon violon, mais aussi sur les autres instruments de l’ensemble. Grâce à ce cours, j’ai développé une grande curiosité pour les nouvelles sonorités et une écoute plus affinée. Si l’occasion se présente, c’est avec plaisir que j’accepterai de présenter les œuvres des compositeurs du groupe.
1 WERNER, K. (1996). Effortless mastery liberating the master musician within. Jamey Aebersold Jazz, Inc.